La conduite automobile et la démence : rester mobile après avoir décidé de raccrocher ses clés

« Entendre que vous devez cesser de conduire peut être plus dévastateur que de découvrir qu’on vous a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer. » Dr Mark Rapoport

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Mark Rapoport, M.D., FRCPC, professeur agrégé en psychiatrie à l’Université de Toronto; psychiatre au Centre des sciences de la santé Sunnybrook.
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Gary Naglie, M.D., FRCPC, FGSA Titulaire de la chaire de la famille Hunt en médecine gériatrique et professeur au Département de médecine et à l’Institut des politiques, de l’administration et de l’évaluation de la santé de l’Université de Toronto; vice-président par intérim des services médicaux et chef du Département de médecine de Baycrest Health Sciences

La conduite constitue un lien essentiel avec le monde extérieur pour un grand nombre de personnes âgées. Être autorisé à conduire et avoir accès à un véhicule sont associés à la mobilité et à l’autonomie. Devoir cesser de conduire, en revanche, tend à être perçu comme la perte d’un privilège; perdre sa capacité à se déplacer librement et devoir compter sur les autres pour répondre à ses besoins en transport.

 

Bien que le sentiment de perte puisse être significatif, dans certains cas conduire alors qu’on est atteint de démence soulève des problèmes de sécurité à un point tel que cesser de conduire s’avère nécessaire, et ce, à la fois pour la sécurité de la personne atteinte de démence que pour les autres personnes sur la route.

 

Tentant d’équilibrer les préoccupations des personnes âgées en matière de qualité de vie avec les préoccupations en matière de sécurité que la conduite avec la démence peut soulever, les docteurs Gary Naglie et Mark Rapoport dirigent l’équipe no 16 du CCNA dans l’élaboration d’un programme pour soutenir l’arrêt de la conduite automobile.

 

Selon Naglie, « il est souvent très difficile pour les partenaires de soins et une personne vivant avec la démence de prendre conscience ensemble du fait que l’arrêt de la conduite automobile est préférable. Nous voulons donc élaborer un programme qui facilite la prise de décision à ce sujet. Tout aussi important, nous constatons un énorme écart en ce qui concerne le soutien fourni aux personnes une fois qu’elles ont décidé d’arrêter de conduire — non seulement en ce qui a trait à des modes de transport alternatifs, mais aussi vis-à-vis les conséquences affectives découlant de cette importante décision de vie. »

 

À cette fin, le projet de l’équipe no 16 du CCNV aidera les personnes atteintes de démence et leurs partenaires de soins à répondre aux questions suivantes :

  • Y a-t-il quelque chose au sujet de la façon dont je conduis qui soulève des interrogations quant à ma sécurité à continuer à conduire?

 

  • Comment puis-je maintenir ma mobilité et mon autonomie après avoir raccroché mes clés de voiture?

 

  • Qu’est-ce que la décision de cesser de conduire signifie pour moi, personnellement?

 

L’éducation est sensée largement contribuer à faciliter la transition vers l’arrêt de la conduite automobile — tant en matière de sensibilisation à des modes de transport alternatifs qu’en aidant à prévoir un plan de transport qui réponde aux besoins de la personne. Par exemple, la décision de cesser de conduire pourrait être plus facile à prendre après qu’une personne ait considéré combien il en coûte d’entretenir un véhicule à moteur. Attirer l’attention sur le coût de l’essence, les assurances et l’entretien du véhicule peut aider une personne à se concentrer moins sur ce qu’elle est en train de perdre et plus sur les avantages des raccrocher les clés.

 

Bien que mettre l’accent sur les solutions et les défis pratiques puisse s’avérer déterminant pour certains, il est important de garder à l’esprit que cette approche ne rejoint pas tout le monde, explique le Dr Rapoport. C’est parce que la décision d’arrêter de conduire touche les croyances fortement ancrées chez une personne à propos de ce que cela signifie d’être indépendant et autonome, sans oublier que la décision va à l’encontre de la vision occidentale qui privilégie l’autosuffisance.

 

« Le changement est très dur et menaçant; donc, en plus des outils éducatifs, du soutien affectif sera essentiel. La personne doit apprendre à recadrer ce que signifie la conduite automobile dans sa vie et exercer un contrôle sur la décision avant que le contrôle ne lui soit enlevé. Notre programme, pour qu’il soit un succès, doit soutenir cette démarche », conclut le Dr Rapoport.

 

Progrès

En plus d’effectuer une recension systématique de la littérature sur la façon de favoriser la transition vers un arrêt de la conduite, l’équipe interroge les conducteurs âgés qui présentent des déficiences cognitives et leurs partenaires de soins. Cela aidera les chercheurs à déterminer quels sont, de l’avis des personnes les plus directement touchées, les facteurs importants qui contribuent à prendre la décision de cesser de conduire. Examiner cet ensemble de points de vue permettra de s’assurer que l’équipe élabore un programme qui est centré sur la personne. Une fois cette information synthétisée, l’équipe consultera les fournisseurs de soins de santé qui ont une expérience de travail auprès de personnes atteintes de démence et de leurs partenaires de soins pour apprendre de leurs expériences et intégrer d’importants facteurs à prendre en considération dans leur programme.

 

Prochaines étapes

Une fois que l’équipe aura mis au point son programme à plusieurs volets, elle commencera à en évaluer son efficacité par le biais de ses réseaux et ses groupes d’intervenants qui comprendront : les personnes ayant une déficience cognitive légère ou une démence, les membres de leur famille et les fournisseurs de soins de santé (y compris les médecins, les ergothérapeutes, les infirmières, les travailleurs sociaux et les psychologues qui sont impliqués dans les soins aux personnes vivant avec la démence et qui ont de l’expérience en matière de conduite et de démence).

 

D’autres organismes, comme la Société Alzheimer du Canada, les ministères des Transports et l’Association canadienne des personnes retraitée seront consultés pour savoir comment ce programme peut s’appliquer dans un contexte politique plus large.

 

Intéressé(e) à participer?

Les personnes intéressées à aider les docteurs Naglie et Rapoport à évaluer l’intervention sont encouragées à communiquer avec leur associée de recherche, Sarah Sanford. Ceux-ci aimeraient particulièrement s’entretenir avec des personnes atteintes de démence légère et leurs partenaires de soins. Les chercheurs souhaitent aussi s’entretenir avec des organismes ou des personnes ayant un intérêt pour ce sujet et qui aimeraient soutenir l’évaluation.

 

Conduire ou ne pas conduire?

La conduite est une tâche complexe — qui exige un niveau élevé d’attention, de concentration, de planification, de jugement et de réaction — que la démence peut rendre plus difficile à accomplir en toute sécurité. Bien que plusieurs personnes évitent de penser et de parler de l’arrêt de la conduite, être disposés à aborder le sujet et avoir les outils appropriés pour en discuter aidera les familles et les médecins à faciliter la prise de décision à ce sujet. Le programme que l’équipe no 16 élabore actuellement aidera des personnes confrontées à la décision à réaliser que l’arrêt de la conduite ne signifie pas la fin de l’autonomie.

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