« …Quand j’ai commencé, c’était très difficile parce que les chercheurs travaillaient chacun de leur côté, en isolation, mais avec le CCNV j’ai eu l’impression qu’il était possible de combiner les différents domaines et d’en faire surgir une musique différente… »
Une inspiration précoce
Dès son tout jeune âge, Amanpreet Badhwar a été inspirée par son grand-père maternel à travailler dans le domaine médical. Médecin très respecté en Inde, le grand-père d’Aman a dirigé des cliniques gratuites pour les plus démunis de sa communauté. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, Aman a été acceptée à l’Université McGill où elle a continué de s’intéresser à la biologie, à la génétique et aux neurosciences. Lassée d’apprendre dans les livres et souhaitant relever de nouveaux défis, Aman a contacté des gens au Département de génétique humaine de l’Université McGill dans l’espoir que ceux-ci pourraient lui suggérer des moyens d’obtenir plus d’expérience pratique. Ils l’ont mise en contact avec d’éminents chercheurs de l’Institut neurologique de Montréal et, tout au long de ses études de premier cycle, Aman a mené des recherches sur la génétique de l’épilepsie ainsi que sur les maladies neurodégénératives rares ou « orphelines ». Quand une personne âgée très proche d’elle a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer, Aman a choisi de faire de la maladie d’Alzheimer l’objet de ses recherches dans le cadre de son programme de doctorat. Elle a reçu la bourse de doctorat Banting et Best des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour sa recherche doctorale axée sur le thème de la recherche multimodale et pour laquelle elle a cherché à distinguer la contribution respective des lésions neuronales, des lésions neurovasculaires et des atteintes métaboliques sur les troubles cognitifs liés à la maladie d’Alzheimer, ainsi que l’impact de la pioglitazone (un médicament qui fait présentement l’objet d’essais cliniques de phase 3 visant à retarder le déclin cognitif) sur ces détériorations. Le travail d’Aman utilisant la protéomique pour caractériser les substances vasoactives libérées par les neurones et leurs récepteurs dans les artères cérébrales a figuré en page couverture du Journal of Cerebral Blood Flow & Metabolism. De plus, Aman a reçu le prix Âge + des IRSC, qui reconnaît l’excellence dans la recherche sur le vieillissement, pour son article dans la revue NeuroImage: Clinical, une publication découlant de son travail de thèse.
Projet de travail de l’équipe no 9 : La puissance des mégadonnées dans la conception de nouveaux biomarqueurs
Le domaine d’étude particulier d’Aman, l’intégration des observations tirées de vastes ensembles de données multimodales (les mégadonnées) à l’aide de techniques d’imagerie cérébrale in vivo et de différentes technologies « -omiques », s’est traduit par une longue trajectoire continue d’acquisition de compétences, une expérience qui, de l’avis d’Aman, est parfois empreinte d’humilité parce qu’il faut continuellement renouveler ses compétences. Les sciences « -omiques » font référence à l’analyse de mégadonnées telles que des données d’imagerie, de génomique, des protéomique ou de métabolomique, entre autres. Aman a toujours imaginer d’intégrer des analyses provenant de plusieurs domaines des sciences « -omiques ». Cette stratégie « multiomique » fait maintenant partie des travaux qu’elle effectue avec l’équipe no 9. En s’intéressant à différentes disciplines et variables, et en apprenant à combiner différents types de données à grande échelle, Aman croit que les chercheurs pourront se pencher sur de nouvelles combinaisons de facteurs qui peuvent favoriser ou retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer (ainsi que d’autres démences associées au vieillissement), une tâche qui ne pourrait être réalisée sans les nouvelles méthodes informatiques de traitement des mégadonnées. Par exemple, les chercheurs savent comment combiner des données d’imagerie cérébrale et les corréler avec un autre phénotype, mais les outils qui permettraient d’examiner les données provenant de plusieurs disciplines sont en cours de développement. Avec l’équipe no 9, Aman cherche à combiner les données provenant de l’imagerie cérébrale (fonctionnelle et structurelle) à celles provenant d’autres sciences « -omiques » (p. ex., la génomique et la métabolomique) pour mieux caractériser les sous-groupes cliniques et mettre au point des marqueurs pathologiques précoces de la maladie d’Alzheimer. Le but ultime de cette recherche est d’être en mesure de regrouper les gens dans des sous-types de maladies neurodégénératives ou des catégories de personnes à risque de développer la maladie en fonction de profils similaires basés sur des données combinées d’imagerie cérébrale, de génomique, de protéomique et de métabolomique. Comme le décrit Aman, il s’agit d’un objectif à long terme qui pourrait tôt ou tard donner lieu à une approche plus personnalisée pour le traitement de la maladie d’Alzheimer et des autres démences associées au vieillissement. Cette recherche a aussi des implications à court terme pour les essais cliniques, dans le cadre desquels on pourrait déterminer l’efficacité de médicaments potentiels à l’aide de biomarqueurs de la maladie plutôt qu’en se basant sur des critères cliniques. Cette approche permettrait de réduire la durée et le coût des essais cliniques de phase 2 et d’évaluer un plus grand nombre de médicaments potentiels. L’analyse des biomarqueurs et le sous-typage de la maladie pourraient aussi servir à « enrichir » les essais cliniques en y intégrant des personnes dont la maladie se développe plus hâtivement, et chez qui l’effet du médicament peut être plus facilement observé, ou à identifier les patients pour lesquels un type particulier de médicament peut être plus efficace.
Travailler dans un milieu favorisant la collaboration
Lorsqu’on lui demande les avantages de travailler dans un milieu axé sur le travail d’équipe au sein du CCNV, Aman parle des avantages de travailler sous la supervision du Co-leader de l’équipe no 9, le docteur Pierre Bellec. Celui-ci dirige l’équipe sur les biomarqueurs d’imagerie alors que le docteur Roger Dixon, Co-leader de l’équipe no 9, dirige l’équipe travaillant sur les biomarqueurs métabolomiques. Très tôt après avoir reçu sa bourse de recherche postdoctorale, Aman a commencé à interagir avec le docteur Dixon et son équipe à Edmonton, en Alberta. Aman travaille présentement avec d’autres stagiaires de l’équipe no 9 sur un article d’opinion et une analyse ciblée sur les biomarqueurs multiomiques de la maladie d’Alzheimer et présente les biomarqueurs et la stratégie d’analyse multivariée que l’équipe envisage d’utiliser. Ses travaux comprennent également une collaboration avec les chercheurs de la plateforme no 3 du CCNV (informatique et imagerie). Celle-ci vise (1) à évaluer la reproductibilité de la connectivité de l’IRM fonctionnelle au repos et (2) à produire un article décrivant les données dérivées de la neuroimagerie qui seront fournies par l’équipe du CCNV travaillant sur les biomarqueurs. Ces projets se traduiront par deux articles dans un avenir proche. De plus, Aman est très reconnaissante du soutien offert aux boursiers ainsi que du soutien financier aux études fourni par les organismes partenaires, en particulier la Société Alzheimer du Canada et les IRSC. Aman a hâte de participer au Forum des partenaires et à la Journée scientifique du CCNV puisque cet événement annuel est un lieu de rencontre pour tous les membres et organismes partenaires du CCNV.
Susciter la participation du public par le biais des arts
« …Je trouve que l’art nous permet de présenter des concepts scientifiques. Les gens n’ont pas peur de venir vous voir et de vous poser des questions à ce sujet parce qu’ils ne vous voient pas comme une chercheure dans ce contexte, ils vous voient comme une personne qu’ils peuvent consulter et à qui ils peuvent parler. »
Aman est une artiste accomplie qui tire son inspiration de sa recherche scientifique. Elle a été invitée à exposer deux œuvres lors du Conférence internationale de la Société Alzheimer (CISA), en 2016, dans le cadre d’une exposition visant à remettre en question les conversations négatives et déshumanisantes à propos de la maladie d’Alzheimer. L’exposition comprenait des œuvres créées par des personnes qui vivent avec la démence, par des partenaires de soins et par des chercheurs, et était présentée conjointement par le CISA et la Société Alzheimer de Toronto. Plus récemment, Aman a été invitée à produire la page couverture artistique de la revue NeuroImage. Les œuvres d’Aman mettent l’accent sur la mémoire dans les cerveaux sains et dans ceux touchés par la maladie. Elle utilise son art comme une plateforme pour communiquer des idées scientifiques et pour entamer un dialogue avec le grand public. Elle fait cela régulièrement depuis 2013. Aman a aussi organisé des expositions de son travail afin de recueillir des fonds pour la Société Alzheimer de Montréal et l’Institut neurologique de Montréal, dans le but de contribuer aux programmes de soutien pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ainsi qu’à la recherche dans ce domaine.
Pour voir d’autres exemples d’œuvres d’art d’Aman, cliquez ici.
Pour lire une entrevue donnée par Aman à Interalia (en anglais seulement) sur le croisement entre l’art et la science, cliquez ici.
Au-delà de ses recherches
Aman a contribué à son domaine au-delà de ses propres recherches en exerçant son leadership au sein de l’Organization for Human Brain Mapping (OHBM), un organisme international dédié à faire progresser notre compréhension de l’organisation anatomique et fonctionnelle du cerveau humain à l’aide de la neuroimagerie. L’année dernière, elle a été présidente du groupe d’intérêt particulier pour les étudiants aux études supérieures et pour les boursiers postdoctoraux où elle a lancé un programme de mentorat en ligne qui a connu un grand succès et organisé un colloque sur le mentorat pour lequel il y a eu une forte participation lors de l’assemblée annuelle. Elle est actuellement membre du Comité sur le sexe et la diversité et du Comité des communications de l’OHBM. Plus récemment, Aman a été choisie comme présidente de l’Association des stagiaires et des jeunes chercheurs du CCNV au sein de laquelle elle jouera un rôle important, en tant que membre fondateur du comité exécutif, dans la détermination des orientations de l’Association. Aman croit que les chercheurs doivent regarder au-delà de leur propre recherche et être impliqués dans les problématiques plus vastes de leurs domaines respectifs et de la société.
*Le CCNV aimerait mentionner que l’article d’Aman intitulé « In Dialogue with Art and Science » a d’abord été publié dans le Magazine Interalia, No 28 : « The Heart of the Brain » en novembre 2016.