Soutenir les personnes âgées atteintes de démence : Raccrocher ses clés d’auto — la décision et ses conséquences

Blogueurs invités

Le texte suivant est une contribution de nos blogueurs invités, docteurs Gary Naglie et Mark Rapoport qui dirigent au sein du CCNV une équipe de chercheurs qui s’intéressent à la conduite automobile chez les personnes atteintes de démence.

 

« C’est comme une double, une quadruple épreuve. En plus d’avoir à composer avec cette maladie, ils sont soudainement confrontés au fait de se voir retirer leur permis de conduire. » (Travailleuse sociale)

 

Pour de nombreuses personnes âgées, la conduite est un lien essentiel avec le monde extérieur et une forme d’autonomie.

 

Bien que conduire représente un danger réel pour les personnes atteintes de formes modérées à graves de démence, certaines personnes atteintes de démence légère continuent à conduire en toute sécurité pendant un certain temps. La question à laquelle un nombre croissant de personnes atteintes de démence et leur partenaire de soins doivent faire face est la suivante : « Pendant combien de temps est-il sécuritaire de continuer à conduire? »

 

La décision de cesser de conduire est l’une des plus difficiles et des plus chargées émotionnellement  auxquelles font face les conducteurs âgés atteints de démence, leur partenaire de soins, les professionnels de la santé, les décideurs et les organismes de délivrance de permis de conduire.

 

Conduire ne se résume pas à se déplacer d’un endroit à un autre. Nous le savons parce que cesser de conduire peut avoir un impact significatif sur la santé et la qualité de vie des personnes âgées et de leur famille, mener à une perte d’autonomie, à un changement de mode de vie, à une diminution du niveau d’activités, à un isolement social, à une perte d’estime de soi et d’identité, à une dépression, ainsi qu’à un fardeau accru pour les partenaires de soins.

« Je suis toujours surpris de voir à quel point ce sujet fait jaillir des émotions très intenses. Il va droit au cœur de ce qui est, en fait, l’identité de beaucoup de gens. » (Ergothérapeute)

 

« … Le traumatisme de perdre son véhicule… était comme la perte d’un conjoint. Ainsi, tout comme il existe de l’aide en cas de deuil lors de la perte d’un conjoint, il devrait exister de l’aide pour le « deuil » associé à la cessation de la conduite automobile. » (Fille adulte d’un conducteur ayant cessé de conduire)

 

Soutenir l’abandon de la conduite

 

Cherchant à établir un équilibre entre les préoccupations en matière de qualité de vie des personnes âgées et les problèmes de sécurité qui peuvent découler de la conduite par des personnes atteintes de démence, nous menons l’équipe de recherche sur la conduite automobile et la démence, au sein du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement, dans l’élaboration d’un programme pour soutenir l’abandon de la conduite.

 

Nous comprenons qu’il est souvent très difficile pour les partenaires de soins et les personnes atteintes de démence d’en venir à la conclusion commune que l’abandon de la conduite est la meilleure décision à prendre. Nous constatons également d’importantes lacunes en ce qui concerne le soutien offert aux personnes une fois qu’elles ont décidé de cesser de conduire — non seulement en ce qui concerne les modes de transport alternatifs, mais aussi quant aux conséquences émotionnelles qu’entraîne cette décision importante dans leur vie. Nous cherchons donc à élaborer un programme qui facilite la prise de décision et permet de soutenir la transition vers l’arrêt de la conduite automobile.

 

Activités de recherche

 

Pour ce faire, notre équipe a passé en revue les études existantes et a consulté les groupes et réseaux d’intérêt (fournisseurs de soins de santé, établissements de santé, personnes âgées atteintes de démence et leur partenaire de soins) pour comprendre ce que représente, pour les personnes atteintes de démence, d’entreprendre une démarche de prise de décision et comment elles continuent à rester mobiles et socialement actives après avoir cessé de conduire.

 

Nous avons constaté que, en plus d’aborder les défis pratiques — comme la recherche d’autres moyens de transport — il est nécessaire de reconnaître et de fournir du soutien pour les aspects émotionnels associés au fait de cesser de conduire.

 

En se basant sur ces résultats, notre équipe a élaboré une boîte à outils et un cadre d’adaptation et de prise de décision pour l’abandon de la conduite (Driving Cessation Decision-Making and Coping Framework and Toolkit – DCDT). Il s’agit d’une compilation de ressources et d’outils imprimés et en ligne, qui comprend des renseignements, des évaluations de la conduite, des feuilles de travail et des vidéos pour soutenir les personnes atteintes de démence et les membres de leur famille dans leur prise de décision sur l’abandon de la conduite et leur transition vers des déplacements sans conduite automobile.

 

Les prochaines étapes

Pour nous assurer que le contenu du DCDT soit pertinent facile à utiliser nous procédons, encore une fois, à des consultations auprès des groupes et des réseaux concernés pour obtenir leurs commentaires et leurs suggestions. Il s’agira notamment d’obtenir le point de vue des fournisseurs de services, des conducteurs, et d’anciens conducteurs atteints de démence et de leurs partenaires de soins qui ont utilisé cette ressource. Le but ultime est de concevoir un ensemble d’outils efficaces mis à la disposition des gens lorsqu’ils sont confrontés au défi de savoir quand prendre la décision de cesser de conduire et d’adapter leur mode de vie après avoir cessé de conduire. Nous espérons que les gens constateront que le fait de raccrocher les clés ne signifie pas la fin de l’autonomie.

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