Ce qui suit est un billet écrit par nos blogueurs invités, les docteurs Corinne Fischer, Luis Fornazzari, Tom Schweizer, Michael Thaut, David Munoz et Joseph Barfett
Plus d’un demi-million de Canadiens vivent avec la maladie d’Alzheimer (MA) et ce nombre devrait augmenter de façon exponentielle dans les 30 prochaines années.
À ce jour, les essais cliniques n’ont pas permis de traiter la maladie d’Alzheimer et les médicaments homologués pour le traitement des personnes atteintes de la MA se sont avérés peu efficaces. Il est encore plus inquiétant de constater que beaucoup de gens éprouvent des effets indésirables associés aux médicaments prescrits.
Par conséquent, les interventions non pharmacologiques sont de plus en plus populaires. Dans la mesure où celles-ci favorisent la sociabilité et renforcent la cognition, elles aident à réduire les symptômes de la MA. Au sein du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV), des équipes de recherche ont fait des progrès dans l’utilisation des interventions non pharmacologiques grâce à des ateliers sur la création de récits numériques qui renforcent les souvenirs et la communication chez les personnes atteintes de démence. Ces équipes ont également contribué à développer la résilience cognitive par des activités de loisirs « intelligentes », et à faire diminuer le risque de démence par le biais du Guide alimentaire pour la santé du cerveau.
Dans le même ordre d’idée, les interventions axées sur la musique sont de plus en plus populaires. Celles-ci permettent d’améliorer l’état des personnes atteintes de démence, puisqu’elles permettent de promouvoir la participation sociale, de vivre « le moment présent » et d’apprécier la vie de façon générale.
Les recherches montrent qu’une expertise en musique entraîne, à long terme, des modifications de la connectivité cérébrale et des bienfaits cognitifs pour ceux qui jouent régulièrement de leur instrument. De la même façon, l’entraînement à la musique pourrait possiblement permettre d’améliorer la capacité du cerveau à compenser les dommages associés à la MA et retarder l’apparition de la maladie.
Cela demeure toutefois une hypothèse puisqu’aucune étude à ce jour n’a examiné les différences entre le cerveau de musiciens atteints de la maladie d’Alzheimer et celui de personnes qui ne sont pas musiciennes. On ne dispose également que d’un nombre limité d’études portant sur les effets de l’exposition à la musique sur le cerveau de musiciens. En fait, aucune étude n’a utilisé de techniques de neuroimagerie afin de déterminer si des interventions utilisant l’exposition à la musique permettent de stimuler la connectivité cérébrale et par extension d’influencer le comportement et les capacités cognitives. Par ailleurs, les essais cliniques aléatoires ayant examiné les effets de la musique sur la maladie d’Alzheimer ont obtenu des résultats mitigés.
Par l’entremise du CCNV, notre équipe a collaboré avec de nombreux centres de soins de longue durée de Toronto, ainsi qu’avec la Faculté de musique de l’Université de Toronto, pour mettre sur pied un projet permettant de déterminer (1) si une intervention d’une durée de trois semaines, développée par notre équipe et axée sur l’écoute de la musique, pouvait permettre de modifier la connectivité cérébrale chez des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, et (2) si une expertise en musique pouvait permettre de développer une résistance aux dommages cognitifs.
Dans le cadre de notre programme, chaque participant a reçu une liste de lecture de pièces musicales choisies qu’il doit écouter tous les jours pendant trois semaines. Avant qu’elles participent, nous avons demandé à chaque personne ses préférences musicales et nous avons ensuite chargé une liste de pièces musicales qu’elle a écoutées tout au long de sa vie sur un lecteur MP3, de façon à ce qu’elle puisse écouter cette musique à la maison. Au début de l’étude, nous procédons également à la collecte de mesures comportementales et cognitives, ainsi qu’à la collecte de données d’imagerie par résonnance magnétique, puis nous répétons ces tests/mesures à la fin des trois semaines d’écoute. Il est intéressant de souligner que pendant la séance d’imagerie par résonnance magnétique, les participants doivent écouter des airs connus et inconnus de façon à pouvoir déterminer les zones spécifiques du cerveau impliquées dans l’écoute d’une musique connue depuis longtemps.
Nous espérons, avec cette étude, montrer que l’art et la musique peuvent être utilisés comme approche thérapeutique pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de démence et celle de leurs partenaires de soins. En montrant que la remémoration de pièces musicales connues depuis longtemps est un processus unique nécessitant l’implication du cerveau en entier, nous pourrons fournir des résultats qui expliquent pourquoi la mémoire de la musique peut être épargnée chez les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer, alors que la mémoire sémantique et la mémoire autobiographique, elles, peuvent être gravement compromises. Enfin, nous espérons fournir des preuves empiriques qui montreront que l’entraînement à la musique tout au long de la vie peut retarder l’apparition de la MA.
Pour plus de plus amples renseignements sur cette étude, veuillez communiquer avec Melissa Leggieri à leggierim@smh.ca
Les points de vue et les opinions exprimés par les blogueurs invités sont ceux des auteurs (chercheurs du CCNV) et ne reflètent pas nécessairement le point de vue du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement et de ses organismes partenaires.