Pourquoi la maladie d’Alzheimer doit être diagnostiquée à un stade préclinique

 « Il est peu probable qu’un traitement sera efficace après l’apparition clinique de la maladie d’Alzheimer. Les meilleures chances que nous ayons de modifier sa trajectoire consistent à intervenir à des stades plus précoces. » Dr A. Claudio Cuello

Le docteur A. Claudio Cuello est titulaire de la chaire Charles E. Frosst-Merck du Département de pharmacologie et thérapeutique de l’Université McGill. Membre associé aux départements d’anatomie et de biologie cellulaire et de neurologie et neurochirurgie de l’Université McGill, professeur adjoint du Scripps Institute (La Jolla) et professeur invité à l’Université d’Oxford, le docteur Cuello dirige l’équipe no 2 du CCNV : Inflammation et facteurs de croissance du tissu nerveux.
Le docteur A. Claudio Cuello est titulaire de la chaire Charles E. Frosst-Merck du Département de pharmacologie et thérapeutique de l’Université McGill. Membre associé aux départements d’anatomie et de biologie cellulaire et de neurologie et neurochirurgie de l’Université McGill, professeur adjoint du Scripps Institute (La Jolla) et professeur invité à l’Université d’Oxford, le docteur Cuello dirige l’équipe no 2 du CCNV : Inflammation et facteurs de croissance du tissu nerveux.

La maladie d’Alzheimer (MA) se développe des décennies avant qu’elle ne puisse être détectée cliniquement. Et lorsque l’on arrive à la détecter, il est déjà trop tard pour changer l’évolution de la maladie. Rendu là, le cerveau a déjà subi des dommages étendus et irréversibles, explique le docteur A. Claudio Cuello.

Par conséquent, les efforts doivent être axés sur la phase préalable à l’apparition des symptômes cliniques de la maladie.

Dans le but d’y arriver, l’équipe no 2 du CCNV, dirigée par le docteur Cuello, se sert de molécules associées à l’inflammation et à la fonction neuronale pour détecter et cibler la maladie d’Alzheimer avant que les symptômes physiques ne commencent à apparaître. Leur domaine de recherche est connu sous le nom de « maladie d’Alzheimer préclinique ».

Des résultats préliminaires encourageants ont mené l’équipe à s’intéresser au rôle joué par l’inflammation dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer, de la phase préclinique à l’apparition clinique de la maladie. Plus précisément, ils ont découvert un type d’inflammation qui survient juste avant que la plaque ne commence à se former dans le cerveau. Il s’agit d’une importante découverte puisque ce « processus pré-inflammatoire très précoce » marque un moment où plusieurs molécules toxiques sont libérées – ce qui rend les neurones malades – et altèrent la signalisation cellule à cellule dans le cerveau. À des stades plus avancés dans le cerveau, les plaques amyloïdes déclenchent une réaction inflammatoire et immunitaire manifeste qui est bien connue depuis des décennies, souligne le docteur Cuello.

Chez leurs modèles de souris et de rats, l’équipe a découvert que, « si vous fournissez des anti-inflammatoires au stade pré-inflammatoire, vous retardez la progression de la maladie d’Alzheimer », explique le docteur Cuello.

Un des avantages associés à l’utilisation de modèles animaux, c’est qu’ils permettent aux chercheurs sur la démence de déterminer les candidats potentiels au diagnostic et au traitement de la maladie d’Alzheimer aux stades les plus précoces puisqu’ils démontrent l’évolution de la maladie d’une façon prévisible. Parce que l’équipe utilise des « modèles transgéniques », les gènes cérébraux ont été modifiés de façon à ce qu’ils puissent répliquer les composantes essentielles à la pathologie amyloïde tout comme chez les humains atteints de la MA.

Bien sûr, la valeur des molécules anti-inflammatoire devra ultimement être mesurée dans le cadre d’essais cliniques chez l’humain. En fait, ces travaux ont été entrepris par un collègue du docteur Cuello, le docteur John Breitner. Plus précisément, le laboratoire compare actuellement les changements précoces associés à l’inflammation, observés chez les modèles animaux, à ceux observés dans le cerveau de patients décédés pour reconstruire l’inflammation précoce « aggravant la maladie » dans le continuum pathologique de la MA. Dans un même ordre d’idées, le laboratoire du docteur Rosa Neto cherche à découvrir ce processus inflammatoire précoce in vivo à l’aide de l’imagerie chez des modèles de rats transgéniques et chez l’humain.

Le laboratoire du docteur Cuello a aussi accompli des progrès dans la découverte de biomarqueurs présents dans des échantillons de sang de personnes atteintes du syndrome de Down qui ont ensuite développé la MA. En travaillant avec des chercheurs de l’Italie, l’équipe a démontré que, dans la transition entre le syndrome de Down et le syndrome de Down en plus de la pathologie relative à la MA, il y avait des marqueurs du métabolisme du facteur de croissance du tissu nerveux (FCN) et des marqueurs inflammatoires clés dans le plasma d’un individu qui permettent d’anticiper la détérioration cognitive menant à la MA clinique. De façon similaire, un collègue du docteur Cuello, la docteure Fahnestock a démontré que la pathologie relative à l’Alzheimer était accompagnée d’un compromis dans la synthèse d’un autre facteur trophique : le FNDC (facteur neurotrophique dérivé du cerveau).

À ce jour, l’équipe a soutenu le CCNV en :

  • Accumulant des preuves selon lesquelles l’inflammation est un marqueur pour la détection précoce de la MA à l’aide de techniques d’imagerie non effractives;
  • Validant la présence d’un processus inflammatoire dans la « MA préclinique » à l’aide de modèles animaux modifiés génétiquement; et en
  • Découvrant de nouveaux biomarqueurs précoces associés à l’inflammation.

Poursuivant sur cette lancée, l’équipe no 2 utilisera les biomarqueurs précoces qu’elle a découverts pour tenter de détecter des signes précoces de la MA dans les liquides corporels chez l’humain. Pour y arriver, elle s’appuiera sur les données provenant des cohortes cliniques du CCNV pour assurer un suivi des marqueurs inflammatoires dans le liquide céphalorachidien (LCR) et le plasma d’adultes atteints de la MA en phase précoce (qui obtiennent encore de bons résultats aux tests cognitifs) et d’adultes ayant une MA cliniquement détectable. Ces personnes ont été ciblées parce que — en travaillant avec elles — l’équipe apprendra jusqu’à quel point leurs marqueurs dans le plasma, le LCR et en l’imagerie sont efficaces pour prédire la MA chez l’humain dans ses stades les plus précoces.

Parallèlement à cela, l’équipe continuera à suivre l’inflammation dans ses modèles animaux tout au long de l’évolution de la MA.

Dans son entièreté, le projet de l’équipe no 2 ouvre la voie à de futures stratégies de prévention permettant d’assurer un suivi de l’évolution de la MA, assurer un suivi de l’efficacité des traitements qui sont mis au point pour cibler la MA à ses premiers jours et, peut-être même un jour, éviter que la MA ne passe de la phase préclinique à la phase d’apparition clinique de la maladie. Cette approche est basée sur le postulat bien établi que, pour pouvoir mettre au point des méthodes de traitement efficaces contre la MA, nous devons d’abord bien comprendre ce qui se passe dans le cerveau en phase préclinique.

Pour citer le docteur Cuello : « rien n’évoluera en clinique à moins que nous ne créions les conditions propices à l’aide des sciences fondamentales et c’est ce que nous essayons de faire ».

Pour en savoir plus à propos de l’équipe du docteur A. Claudio Cuello et son laboratoire de recherche, cliquez ici.

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