Les troubles de la marche chez les personnes âgées pourraient être un signe de démence

« Il est essentiel de trouver des méthodes de détection précoce de la démence. Il est concevable que nous soyons un jour capables de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et d’autres formes de démence avant même qu’une importante perte de mémoire ne survienne. Mon équipe et moi croyons que la démarche d’une personne, la marche étant une tâche cérébromotrice complexe, fournit une occasion en or d’étudier les fonctions cognitives et que les chercheurs devraient en tirer profit. La grande variabilité dans la démarche qu’on observe chez les personnes présentant un trouble cognitif pourrait être qualifiée “d’arythmie de la marche”. Il a été montré que les caractéristiques de la démarche d’une personne permettent de prédire un déclin de la mobilité et les chutes et, maintenant, permettent également de prédire une aggravation des troubles cognitifs ainsi que leur évolution vers la démence. » Dr Manuel Montero-Odasso

D’après la Société Alzheimer du Canada, plus de 500 000 Canadiens vivent avec la maladie d’Alzheimer ou une démence connexe. Il y a lieu de croire que, dans 15 ans, ce nombre atteindra 1 million. Chaque année, les Canadiens dépensent plus de 10 milliards de dollars pour prendre soin des personnes vivant avec une démence.

Pour l’instant, les professionnels de la santé n’ont aucun moyen de prédire si une démence va se développer ou non chez des patients qui présentent un trouble cognitif léger.

Le Dr Manuel Montero-Odasso, gériatre et chercheur, croit cependant qu’il y a une lueur d’espoir à l’horizon. Il dirige une équipe de recherche au laboratoire Gait and Brain, à London, en Ontario, dont les travaux sont axés sur la vitesse de marche et la variabilité de la démarche. Il explique que les caractéristiques de la démarche d’une personne peuvent indiquer des changements survenus dans le cerveau et donc servir à prédire l’évolution d’un trouble cognitif léger vers la démence. La confirmation de cette théorie permettrait d’intervenir auprès de personnes présentant un trouble cognitif léger de façon précoce, et ce avec des interventions ciblées qui pourraient aider à retarder l’évolution vers la démence.

Participants à l’étude SYNERGIC réalisant une activité physique dans le laboratoire de l’University of Western Ontario dans le cadre de l’intervention multimodale

La marche a longtemps été considérée comme une tâche motrice automatique; cela dit, de nouvelles données suggèrent que les fonctions cognitives jouent un rôle clé dans la capacité d’une personne à contrôler ses mouvements, y compris sa capacité à éviter des obstacles, et également dans sa faculté de navigation (c’est-à-dire la faculté à s’orienter dans son environnement, à planifier une route vers un lieu à atteindre, et à garder le cap).

L’équipe du Dr Montero-Odasso demande à des personnes atteintes d’un trouble cognitif léger, lors de visites au laboratoire de recherche, de marcher sur un tapis conçu spécialement pour leur projet et connecté à un ordinateur. Ce dernier enregistre la variabilité dans la démarche de ces participants à l’étude ainsi que leur vitesse de marche. Les données sont ensuite comparées à celles enregistrées alors que les participants réalisaient une tâche exigeante sur le plan cognitif, telle que compter à rebours ou faire des calculs, tout en marchant.

Ces recherches ont montré que certaines caractéristiques de la marche présentent une grande variabilité, particulièrement durant l’exécution d’une tâche demandant de parler en marchant. Ces anomalies de la démarche sont plus apparentes et prononcées chez les personnes qui ont des pertes de mémoire épisodiques (c’est-à-dire qui oublient des événements autobiographiques) et des problèmes touchant les fonctions exécutives. Le Dr Montero-Odasso explique que ces anomalies révèlent la « signature motrice » d’un trouble cognitif. Soulignons que le Dr Montero-Odasso et son équipe ont montré que les personnes âgées présentant un trouble cognitif léger et dont vitesse de marche ralentie de plus de 20 % lorsqu’elles exécutent une tâche cognitive complexe présentent un risque sept fois plus élevé d’être atteintes de la maladie d’Alzheimer dans un délai de cinq ans comparativement aux personnes dont la vitesse de marche ne ralentit pas autant.

Pour confirmer ces résultats, l’équipe utilisera des données du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV). Le CCNV offre une infrastructure et un soutien qui facilitent la collaboration entre les principaux chercheurs du domaine de la démence au Canada. D’ici le printemps 2019, 1650 Canadiens âgés de 60 à 85 ans qui vivent avec une démence ou qui en présentent le risque participeront à une étude dans l’un des 30 centres de recrutement au pays. Les caractéristiques de la marche de ces derniers seront évaluées à l’aide d’un tapis électronique, dans les sites où l’équipement est disponible. L’étude du CCNV vise principalement à:

  • en savoir plus au sujet des personnes présentant un risque de démence;
  • déterminer jusqu’à quel point il est possible de dépister la démence de façon précoce;
  • établir les tests les plus efficaces pour détecter la démence.

Si les résultats du Dr Montero-Odasso sont confirmés par les données du CCNV, les changements dans la démarche observés lors de l’exécution d’une tâche demandant de parler en marchant pourraient effectivement aider à prédire un déclin cognitif et une évolution vers la démence chez les personnes présentant un trouble cognitif léger. Ces résultats pourraient également aider à poser un diagnostic de démence plus tôt ou à détecter le sous-groupe de patients qui présente un risque et qui pourrait bénéficier d’interventions précoces ou de mesures diagnostiques plus intrusives.

Les idées et les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs (chercheurs du CCNV) et ne reflètent pas nécessairement celles du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement et de ses organisations partenaires.

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